RadioSouvenirsFM

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mercredi 20 février 2008

Media_Ici Radio-Espoir





Cette émission de Radio Centre-Ville ratisse large: des dizaines de collaborateurs chaque mois, des auditeurs jusque dans les coins du monde les plus improbables. Peut-être parce qu'elle s'adresse aux réfugiés, qui sont nombreux et ne l'ont pas facile. L'émission Ici Radio-Refuge est la seule du genre en Amérique. Elle pourrait aussi s'appeler Ici Radio-Espoir, constate notre chroniqueuse dans le dernier volet de ses Histoires d'immigrants.

Tout a commencé comme ça lors d'un débat électoral sur la question de l'immigration, il y a deux ans. Le débat, organisé par la Mission communautaire de Montréal, était diffusé sur les ondes de Radio Centre-Ville. À la toute fin, les animateurs ont demandé à Sylvain Thibault, de Projet Refuge, de commenter. À ses côtés, son ami Alfredo Lombisi, dit le Penseur, lui-même demandeur d'asile, brûlait d'envie de parler. Mais le temps était échu. Il fallait ranger les micros. Merci, bonsoir.

Sylvain et Alfredo se sont regardés. Et ils ont eu en même temps la même idée. «Pourquoi ne pas avoir notre propre émission de radio?» Ainsi a vu le jour Ici Radio-Refuge. Une émission hebdomadaire née d'une parole coupée, faite par et pour les réfugiés.

J'ai rencontré Sylvain et Alfredo dans leur studio de Radio Centre-Ville avec vue sur la Main. Les deux cellulaires de Sylvain n'arrêtaient pas de sonner. Comme il est coordonnateur du Projet Refuge, un centre d'hébergement pour demandeurs d'asile, son téléphone est le 9-1-1 de réfugiés qui débarquent ici avec leurs fardeaux d'horreurs, leur stress post-traumatique et ce grand désert devant eux.

Avec Ici Radio-Refuge, le désert a au moins une oreille. Tous les lundis, à 10h, dans ce studio du 102,3 FM, on donne la parole à des gens qui, d'ordinaire, ne l'ont jamais. On répond à leurs questions, on parle de sujets qui les préoccupent. On leur explique la loi, on leur donne des conseils pour trouver un toit, un emploi, une raison d'espérer. On leur donne une voix, surtout. On rejoint ainsi quelque 10 000 auditeurs du boulevard Saint-Laurent au fin fond de l'Afrique. Grâce au blogue de l'émission et à des podcasts en espagnol, en créole et en anglais, l'émission n'a plus de frontières. Sylvain me raconte qu'à sa plus grande surprise, il a récemment vu débarquer dans son centre d'hébergement un demandeur d'asile de la République démocratique du Congo qui était tombé par hasard sur le site Internet iciradiorefuge.org dans son pays. La semaine dernière, une dame de Mogadiscio, en Somalie, a envoyé un courriel à l'émission demandant de l'aide pour fuir son pays.

Une dure réalité

Sylvain, 45 ans, n'est pas un réfugié lui-même. Mais presque, à force d'entendre son téléphone sonner Pour les demandeurs d'asile qui atterrissent au Projet Refuge, il fait partie de la famille, explique Alfredo. «En Afrique, quand on a un problème, on appelle notre tante, notre mère, notre père, notre frère. Il y a cette forme de solidarité. On arrive ici, on n'a pas de tante, pas d'oncle, personne. On appelle Sylvain»

Né à Québec, Sylvain a grandi à Sherbrooke et vit à Montréal depuis l'âge de 16 ans. Dans son entourage, il y a toujours eu des réfugiés, raconte-t-il. «Ça a commencé avec les boat people. J'ai vraiment forcé, mais forcé mes parents à parrainer deux familles du Vietnam! Je découpais tous les articles sur le Vietnam. J'ai visité le Vietnam plus tard et un moine m'a dit: toi, dans une autre vie, tu étais Vietnamien!»

Dans sa vraie vie, Alfredo, 35 ans, est un revendicateur du statut de réfugié originaire de Kabinda, l'enclave séparatiste de l'Angola. Voilà trois ans qu'il attend d'obtenir son statut de réfugié. Il travaille dans des manufactures au salaire minimum, sans savoir ce que demain lui réserve. «La réalité des réfugiés est très difficile, dit-il. Personne ne s'enfuit pour le plaisir, s'il n'a pas de graves problèmes. Chacun a son histoire. Il se peut qu'avec un processus accéléré, un demandeur obtienne le statut de réfugié en trois mois. S'il a un diplôme, il peut commencer les démarches pour trouver un travail dans son domaine. Mais quand ça prend un an, deux ans, trois ans, ça devient l'enfer.»

Précieuse école

Ici Radio-Refuge distrait Alfredo de cet enfer. Il organise son horaire de travail autour de ses activités bénévoles, quitte à travailler toute la nuit s'il le faut. En plus de la radio, il fait du bénévolat au Santropol Roulant et au Conseil canadien pour les réfugiés, qui lui a d'ailleurs octroyé le Fonds Amina Malko soulignant l'implication d'un réfugié dans la communauté. Il est aussi en train d'écrire un scénario de film sur l'immigration. Il l'écrit par courriel, à défaut d'avoir accès à un logiciel de traitement de texte. «Je trouverais ça dommage de mourir avec un projet dans ma tête!»

Plus qu'une distraction, cette radio unique en son genre est devenue une précieuse école pour bien des réfugiés. C'est l'occasion d'acquérir cette première expérience de travail si difficile à obtenir. Entre la technique, la recherche, l'écriture, l'éditorial, 40 personnes par mois passent par Ici Radio-Refuge. «Quand tu cherches un emploi, on te demande toujours de l'expérience locale, explique Alfredo. Ici, on fait notre possible pour dire aux nouveaux arrivants qu'ils peuvent se joindre à nous. On propose des formations en technique. Ça permet aux gens, quand vient le temps de faire leur curriculum vitæ, de pouvoir y inscrire cette expérience de bénévolat.»

Pour les réfugiés, il n'y a pas de manuscrit, pas de guide, pas de mode d'emploi, note Alfredo. Dans ce désert, la radio lui donne de l'espoir.

Source : CyberPresse
Écrit par : Rima Elkouri

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