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RadioSouvenirsFM
mardi 29 janvier 2008
Musique_Peter Gabriel: «Le Net peut changer la nature même de la musique produite»
«Le Net peut changer la nature même de la musique produite»
Peter Gabriel: «Je n´ai pas choisi d´être un homme d´affaires pour gagner de l´argent mais pour préserver ma liberté d´artiste.»
INTERVIEW. Peter Gabriel, élu «personnalité de l'année» lors du Marché international du disque et de l'édition musicale, vient de lancer une plateforme de téléchargement gratuit de musique.
Figure du rock progressif avec Genesis, gourou incontesté de la world-music (via son label Real World), Peter Gabriel s'impose également comme un artiste féru de technologies du futur. Bien avant iTunes et Napster, il créait, en 2000, la plateforme de distribution numérique OD2 (revendue à Nokia en 2006). En mai dernier, il lançait une nouvelle plateforme, We7. Interview avec la «personnalité de l'année» de la 42e édition du marché international du disque et de l'édition musicale (Midem).
Le Temps: Vous semblez stimulé par la révolution internet, à la différence de l'ensemble des acteurs de l'industrie musicale...
Peter Gabriel: Oui, pour moi il s'agit d'une opportunité excitante. Une grande révolution se dessine: le Net peut changer la nature même de la musique produite, avec plus d'audaces et d'expérimentations. Avec Internet, les musiciens dits «marginaux» peuvent produire et diffuser leur musique par leurs propres moyens. Les artistes auront un peu plus de travail, mais aussi plus de liberté et d'opportunité pour se faire connaître. Certes, le marché du disque a chuté, mais les succès de Mika ou d'Amy Winehouse apportent un démenti évident à «la crise du disque».
- Vous avez récemment lancé We7, une plateforme de téléchargement de musique gratuite financée par la publicité. Vous ne croyez pas à l'avenir des sites payants?
- Certains seront toujours prêts à payer, à condition de se voir proposer un contenu supplémentaire, avec des bonus, des interviews, des vidéos, un lien plus personnel entre l'artiste et son public. Mais pour les jeunes, le modèle payant est dépassé. Ils ont grandi avec Internet et n'entendent pas débourser un centime pour de la musique. Aujourd'hui, le prix de la gratuité passe par la publicité. Et je ne suis pas un adepte fervent de la publicité, loin de là. Sur mon site, chaque titre téléchargé sera accompagné d'une publicité. Mais la «nuisance» sera temporaire puisque la pub disparaîtra au bout de quatre à six semaines après le téléchargement. A l'arrivée, vous gardez la musique sans la pub.
- Vous avez prévu de détrôner iTunes?
- Mon ambition est plus modeste. Mais si We7 fonctionne, alors nous aurons trouvé une solution acceptable, la seule pour garantir la gratuité à l'internaute et assurer un revenu aux artistes.
- Les publicités diffusées sur votre site sont ciblées à partir d'informations obtenues grâce à des données personnelles des internautes. Quid de la protection de la vie privée?
- Il ne faut pas oublier un fait important: l'ère de la sphère privée est aujourd'hui révolue. Si je veux des informations sur une personne, il suffit de faire un tour sur les réseaux sociaux comme Myspace et Facebook, pour ne citer que les plus connus.
- Madonna a récemment annoncé son départ de chez Warner pour Live Nation, une société de spectacles américaine. A terme, les maisons de disques vont-elles devenir obsolètes?
- Les maisons de disques existeront toujours. Radiohead a réalisé une belle opération avec son nouvel album: laisser l'internaute fixer le prix du CD en téléchargement. Mais, dans le même temps, ils ont mis en vente un très beau coffret avec un livre avec des visuels et des bonus pour 40 livres. Je l'ai acheté d'ailleurs. Et aujourd'hui, leur album est finalement distribué par une maison de disques.
- Votre précédent album, «UP», remonte à 2002. Vous avez prévu de sortir un disque cette année?
- Franchement, à mon âge, je m'en fiche. Je le sortirai quand il sera prêt. Il m'est difficile d'en parler aujourd'hui car il peut encore partir dans différentes directions. Je vais aussi attendre de voir l'évolution de la situation avec EMI pour me décider.
- EMI traverse en effet une crise avec la fronde d'artistes comme Robbie Williams et Coldplay, le départ des Rolling Stones et le plan de rigueur annoncé par Guy Hands (patron du fonds de pension italien Terra Firma qui a racheté EMI), lequel menace de renvoyer les artistes non rentables...
- J'ai grandi dans une ferme. Mon père faisait écouter de la musique à ses vaches et je peux vous garantir que le lait produit était de bien meilleure qualité que celui du voisin. Si vous voulez du bon lait des artistes, il faut les traiter avec respect. Guy Hands a dû multiplier les rencontres avec des businessmen, mais peu avec des artistes. Je pense qu'il ne les comprend pas vraiment, il semble même en avoir peur. Mais le business est basé sur le travail des artistes.
- Vous êtes un musicien et un entrepreneur dynamique. Deux activités faciles à conjuguer?
- Je refuse cette illusion un peu naïve, mais toujours vivace, selon laquelle l'art serait une forme d'expression pure et le business une activité bassement commerciale et sale. Si j'ai monté mon propre label et mon studio d'enregistrement, à la pointe de la technologie. Je n'ai pas choisi d'être un homme d'affaires pour gagner de l'argent mais pour préserver ma liberté d'artiste.
- La tournée de Genesis l'été dernier ne vous a pas donné envie de rempiler avec vos anciens camarades?
- Je n'ai même pas eu le temps de les voir. Mais je n'ai rien contre une reformation, ce n'est pas hors de question.
Source : Le Temps
Publié par Eric Mandel
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