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RadioSouvenirsFM
lundi 26 janvier 2009
Média_Les radios musicales ont-elles encore un avenir ?
Supplantées par Internet, confrontées au vieillissement de leurs auditeurs et à la baisse de leur audience, NRJ, Fun ou Virgin vont devoir rebondir. Panique on the air.
Vieilles, usées, inutiles. Ainsi donc, à croire quelques embaumeurs de cadavres, les radios musicales ne seront bientôt qu'un souvenir, témoins jaunis d'une époque florissante où, alors épanouies et conquérantes, elles se trouvaient en tête des audiences, laissant loin derrière elles les radios généralistes. Mais voilà, les années 90 sont passées et l'arthrose est venue s'installer dans les articulations de ces stations qui croyaient à leur éternelle jeunesse. Ainsi Fun, Virgin, Chérie FM, Nostalgie et NRJ – la plus emblématique d'entre elles – ont perdu de leur superbe. Depuis six ans, elles assistent à la dégringolade de leur audience. En 2002, NRJ coiffait la couronne de première radio de France avec 13,4 % d'audience et six millions d'auditeurs. Aujourd'hui, les chiffres de Médiamétrie de janvier la donnent à 10,7 %, loin derrière RTL, à peine au-dessus de France Inter... A qui la faute ? A Internet, bien sûr, qui renverse tout sur son passage. Le constat est partagé par tous. Qu'ils s'appellent Jean-Christophe Lestra, directeur des radios musicales du groupe Lagardère (Virgin Radio et RFM), Jérôme Fouqueray, responsable du pôle musical du groupe RTL (Fun et RTL2), Jean-Paul Baudecroux, président-fondateur du groupe NRJ, ou encore Pierre Bellanger, président-fondateur de Skyrock, la radio rap et R'n'B, la seule à plutôt résister à la crise.
Quel intérêt peut-on encore trouver à se brancher sur une station pour écouter de la musique, alors qu'on trouve tout sur le Net ? Pourquoi se contraindre aux choix d'une radio FM, puisque des sites comme YouTube, Dailymotion ou Deezer offrent instantanément et gratuitement des dizaines de milliers de titres ? Désormais, un clic suffit pour échanger des fichiers entre amis, podcaster chanson ou émission (y compris, dès lundi, sur le nouveau player de Télérama.fr), écouter sur son ordinateur ou son iPhone soit une station hertzienne, soit l'une des dizaines de milliers de webradios, toutes plus inventives les unes que les autres et qui se multiplient sur la Toile. Non seulement ces radios proposent toutes sortes de musiques, mais aussi offrent la possibilité de constituer son programme selon ses goûts et ses centres d'intérêt. Des sites comme pandora.com permettent en entrant un seul titre d'écouter tous ceux qui en sont proches. A l'instar de l'industrie du disque, qui se cherche un nouveau destin, les radios musicales privées traditionnelles ont perdu leur légitimité.
« L'âge d'or des radios musicales est terminé, assure Aymeric Mantoux, auteur d'une enquête sur NRJ (1). Certes, Internet remet en cause le modèle économique de la FM, comme les radios libres ont remis en cause celui des "périphériques" (2). Mais ces patrons qui avaient été visionnaires en 1981 ont complètement raté la révolution numérique. Ils ne l'ont pas vue venir parce qu'ils n'y ont pas cru. NRJ, pour parler plus spécifiquement d'elle, a perdu ses repères. Voici vingt-sept ans qu'elle occupe le paysage, avec le même concept, la même direction. »
L'usure, donc. Avec leurs dirigeants uniques, leurs auditeurs vieillissants, leurs marques bien installées qui semblent ne plus offrir de surprises, ces radios sont au bout d'un cycle. « Quand vos auditeurs vieillissent comme ceux de NRJ, puisque qu'ils ont entre 25 et 70 ans, c'est le début des emmerdes. Parce que cela oblige à une programmation hybride », explique Roberto Ciurleo, ancien directeur des programmes de NRJ, parti lancer en 2007 un nouveau bouquet de radios numériques sous le titre générique de Goom Radio. Avec un budget de 50 millions d'euros et cinquante salariés, il entend bien terrasser la concurrence en profitant des possibilités immenses de la Toile. « Yacast, organisme qui analyse de près la consommation de la musique, affirme qu'entre 2000 et 2008 seule 4 % de la production musicale a été diffusée en radio-télé. Il existe cinq à six millions de titres disponibles sur iTunes et seuls 4 % du catalogue réalisent 80 % du chiffre d'affaires. » Il y a donc de la place mais pas de place pour tout le monde. Dans ce secteur extrêmement concurrentiel, seuls quelques heureux gagneront en effet le loto de cette nouvelle diffusion musicale. NRJ le sait, qui multiplie les procès contre les dirigeants de Goom Radio, accusés de copiage, pillage et concurrence déloyale. La guerre fait rage.
Contraintes de se remettre en cause, les radios ont toutes essayé de vitaminer leur grille de la rentrée de septembre en débauchant des animateurs, de célèbres DJ et même des dirigeants. Ainsi, Jean-Paul Baudecroux a fait revenir à la direction des programmes Christophe Sabot, un ancien de NRJ débauché par Lagardère. Objectif : remonter l'audience et se lancer à corps perdu sur le Net. Avec pour mots d'ordre : se montrer résolument optimistes et assener des slogans comme « Internet est le meilleur ami de la radio », « Nous voulons devenir un iPod vivant » ou « Nous sommes très confiants pour l'avenir », « Notre but est à nouveau de devancer RTL ». Un rêve certainement, une illusion plus sérieusement. Contrainte de cesser d'être autre chose qu'un déversoir de hits et une machine à fabriquer de l'argent, la radio n'a en tous les cas pas d'autres choix que de changer son image et mettre un peu de contenu là où celui-ci était quasi inexistant.
« Leur tentative de changer de stratégie, de logo ne suffira pas », prévoit Yves Malbrancke, ancien de NRJ (encore !) parti créer son entreprise de conseil. Pas gagné, en effet, le redressement souhaité, l'implantation sur le Web. Trop tard. Ou du moins très difficile. Il aurait fallu que NRJ prenne le train d'Internet dès le début comme le fit Skyrock en créant ses Skyblogs, dont le nombre ne cesse de progresser de « 30 % chaque année ». Autre atout dans la manche de la radio de Pierre Bellanger : le maintien d'émissions de libre antenne. Grâce à Difool, son animateur vedette depuis douze ans, elle reste la première radio de France à partir de 21 heures. Avec 15,4 points d'audience, loin devant Europe 1 et ses 7,3.
Dans un texte (3) où il livre sa « vision de la radio à l'âge d'Internet », Pierre Bellanger considère que sa force et son avenir résident dans son essence même, c'est-à-dire « sonorité vivante ». « Qu'elle soit incarnée par des personnalités ; qu'elle s'exprime par l'émotion, le réel, la participation des auditeurs, la découverte ; qu'elle s'exprime aussi par le choix musical, affaire de talent, d'intuition et d'expérience, un choix qui ne suit pas, mais qui précède. » Il poursuit : « Il n'y a pas de fatalité à ce que le hérisson soit écrasé par la voiture. La chance lui est donnée de prendre le volant. La radio traditionnelle a un extraordinaire champ de possibles et un destin positif tout tracé. » Le déclin de ces radios pour jeunes ne serait pas inexorable. Alain Weill, ancien NRJ, président-fondateur de RMC Groupe, l'assure. « Il ne faut pas céder au pessimisme ambiant. Réagir est possible. Comme la voiture, la radio musicale va trouver un nouveau modèle. » A condition d'abandonner les stratégies de low cost et d'injecter une bonne dose d'inventivité.
Source : Telerama.fr
Véronique Brocard
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