RadioSouvenirsFM

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lundi 16 février 2009

Média_Luc Besson attaque, beeMotion ferme





Hier, dans L'hebdo cinéma de Canal +, le réalisateur, scénariste et producteur Luc Besson s'en prenait à la piraterie audiovisuelle et à ses «complices objectifs». Premier ricochet aujourd'hui : la fermeture d'un site de streaming qu'il avait cité dans son entrevue.

La complicité objective, telle que Luc Besson la conçoit, c'est celle d'intervenants qui profitent de la piraterie pour en tirer des revenus. Prenant l'exemple d'un site proposant environ 150 films en streaming, beeMotion, il citait comme complices : Free (hébergeur du site), Google (qui le finançait via AdSense) et PriceMinister (dont une publicité était visible sur beeMotion).

beeMotion ferme

Le soir même, beeMotion était fermé, avec en guise de page d'accueil un message expliquant que Free l'avait sommé de stopper son activité. Les réactions sont nombreuses, particulièrement chez les utilisateurs du site qui ne se privent pas d'insulter copieusement Luc Besson et sa filmographie, quand ce n'est pas l'ensemble de l'industrie audiovisuelle qui est pointée du doigt -- acteurs, producteurs, chanteurs étant parfois amalgamés indifféremment dans un conglomérat supposé ne comporter que des nantis pressurisant le petit peuple.

beeMotion diffusait des films récents, et se finançait grâce à la publicité. Il n'avait pas d'accord de licence pour le faire et ne reversait rien aux ayants droit. En conséquence, le faire passer pour une victime innocente de la vendetta bessonesque est sans doute exagéré.

L'argument lu et répété du prix des places de cinéma trop élevé pour les petites bourses ne justifie pas non plus la piraterie de films : en attendant un peu, ils finissent tous par passer à la télévision -- surtout depuis que l'on dispose de 18 chaînes à accès gratuit sur le territoire métropolitain. L'alternative logique de «voir le film tout de suite au cinéma» n'est pas «voir le film tout de suite en piratant», mais «voir le film plus tard à la télé». Dans le premier cas, il est financé en bonne partie par le prix du ticket ; dans le second, essentiellement par la publicité.

Les complicités objectives

D'un autre côté, les propos de Luc Besson manifestent une méconnaissance profonde du fonctionnement d'Internet.

Free
est un hébergeur. À l'instar des autres hébergeurs, depuis la Loi sur la confiance en l'économie numérique, il n'est tenu d'agir contre un site hébergé que lorsque l'illégalité de celui-ci lui a été signalée : il n'a pas à exercer un contrôle a priori sur les publications qu'il héberge, pas plus qu'un kiosquier ne doit vérifier le contenu de l'intégralité des magazines qu'il vend.

Hier, Free a eu connaissance du caractère illicite de beeMotion et, en conséquence, l'a fait fermer. Peut-on le qualifier de complice par qu'il a hébergé pendant des mois un site illicite ? Ce serait remettre en cause le statut de l'hébergeur, et revenir à une situation où celui-ci était considéré comme responsable éditorial de tous les sites hébergés -- et dès lors, on signe la mort des sites personnels et des blogs, trop nombreux et au contenu trop instable.

Accuser PriceMinister de complicité est encore plus fort : celui-ci achète de la publicité à une régie. Il y a sans doute des exigences de visibilité de sa publicité et une facturation au clic -- à chaque fois qu'un internaute suit cette publicité pour aller chez son client, celui-ci verse une somme donnée à la régie. La régie fait donc son boulot de régie : trouver des espaces où afficher la publicité -- et le programme AdSense en fait partie.

Qui, dans cette chaîne, doit vérifier la légalité des sites sur lesquels la publicité s'affiche ? En toute logique, ce serait Google, mais celui-ci a choisi de ratisser large en permettant à chacun d'insérer des encarts publicitaires sur son site. Là encore, un contrôle a priori est difficilement envisageable.

Le système est finalement assez logique tel qu'il est. Les ayants droit lésés contactent la justice et les hébergeurs, qui ferment les sites incriminés.

Évolution possibles

Ceci étant, il demeure une certaine incompatibilité entre les desiderata du public -- qui veut voir le film sans attendre et au meilleur prix -- et ceux des distributeurs -- qui veulent assurer une durée d'exclusivité en salles et contrôler la «chronologie des médias».

Une solution existe depuis quelques années avec les licences globales, proposées par les réseaux UGC et Gaumont sous le nom de «cartes illimitées» pour une vingtaine d'euros par mois. Les abonnés voient autant de films qu'ils le souhaitent, aux séances de leur choix, sans que leur coût de revient en soit modifié.

Une autre solution, pour l'heure plus connue dans le monde musical, devra s'étendre un jour ou l'autre : la VOD. Au lieu de sites qui diffusent des vidéos piratées en se rémunérant par la publicité, construire des sites diffusant dans le cadre d'accords avec les producteurs et se rémunérant par la publicité (style Deezer) ou la facturation au client (style iTunes).

Ceux-ci souffrent pour l'instant du retard de diffusion en VOD, dont la fenêtre est décalée de six mois par rapport à la sortie en salles. Cela favorise bien entendu la piraterie, les clients de souhaitant pas attendre six mois pour voir un film, et nuit également au développement des alternatives légales : au bout de six mois, qui va payer pour un service disponible parallèlement et illégalement sans bourse délier ?

Source : LesNumeriques.com
Par : Franck Mée

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