RadioSouvenirsFM

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dimanche 15 novembre 2009

Musique_Phil Ramone: le grand gourou de la réalisation audio



Qualifier Phil Ramone de monument est un euphémisme... monumental! Ont travaillé aux côtés de ce grand réalisateur et musicien Frank Sinatra, Ray Charles, Quincy Jones, Marilyn Monroe, Barbra Streisand, Burt Bacharach, Elton John, Paul Simon, Billy Joel et une armée d'artistes en voie de devenir superstars comme la chanteuse country Shelby Lynne ou encore... l'adolescente montréalaise Nikki Yanofsky dont Phil Ramone s'applique à faire éclore le talent bien au-delà de ses exercices de style jazzistique.

Invité par l'École de musique Schulich de l'Université McGill, le fameux New-Yorkais vient de passer deux journées entières dans notre île qu'il dit visiter régulièrement. Lundi en fin de journée, il donnait une conférence passionnante sur sa trajectoire de réalisateur d'albums, certes l'un des plus importants depuis les années 50. Mardi, il rencontrait les étudiants inscrits au programme d'enregistrement sonore.

Des professionnels de la music business paieraient des milliers de dollars pour une telle consultation! Phil Ramone pourrait certes se passer de ce genre d'exercice, mais il a foi en son métier: la musique enregistrée. «Je le fais volontiers à partir de mon expérience, de ma trajectoire. Je crois toujours à la transmission de mon savoir aux étudiants, aux professionnels inexpérimentés, aux débutants».

En toute courtoisie, le sexagénaire nous parle de la jeune Nikki Yanofski, avec qui il travaille depuis un an et dont l'album sera vraisemblablement finalisé au printemps 2010. «Ce qui est super pour moi, c'est d'encadrer cette jeune fille qui grandit et deviendra autre chose qu'un novelty - un produit aussi rentable qu'éphémère.»

Phil Ramone sait d'expérience que l'industrie de la musique est friande d'enfants-prodiges... qu'on a tôt fait d'oublier une fois atteint l'âge adulte. «C'est la partie la plus triste de l'histoire, mais... j'ai parlé à Nikki et ses parents, afin que nous nous posions tous la question fondamentale : comment faire la transition entre la jeune fille et l'adulte? Si on traitait Nikki Yanofsky comme une enfant prodige du jazz, le public risquerait de la larguer après l'avoir appréciée un moment. Et que dire de la «police du jazz»!

«Assurément, la petite veut devenir une interprète, une performer. Une chanteuse? Absolument. Pas juste une chanteuse de jazz. Il y a eu cette période d'imitation... Maintenant? Je dis à Nikki qu'elle doit devenir... elle-même. Je lui rappelle qu'Ella Fitzgerald, Peggy Lee ou Sarah Vaughan interprétaient des chansons pop à leur manière. Elles ont trouvé leur marché et ont été admirées pour ce travail durant plus d'un demi-siècle, car elles étaient de grandes interprètes. Et oui, Nikki a la force pour faire son chemin en ce sens... même si elle peut passer à autre chose demain matin.

«J'ai côtoyé d'autres artistes qui venaient de j'appelle l'école Disney de la pop culture. Christina Aguillera, par exemple. J'ai connu cette fille lorsqu'elle avait 15 ans. Très timide, rien à voir avec ce qu'elle est devenue. On n'a pas fait de fausse représentation, on a pris soin de la laisser grandir en la guidant du mieux qu'on a pu. Cette transition demeure donc possible. Prenez Judy Garland, qui est devenue une femme après avoir fait Le Magicien d'Oz. Son existence a été dramatique, je vous l'accorde, mais sa carrière fut ahurissante!»

«Vous savez, un jeune artiste grandit très rapidement. Les mêmes questions se posent tout au long du processus: Qui l'écoutera? Où pourra-t-il être écouté? Où pourra-t-il tourner? Niki peut d'ores et déjà tourner, la scène est son point d'ancrage.»

Artiste insatiable, Phil Ramone a plusieurs casseroles sur le feu. Hormis ces projets de film documentaire ou d'albums pop comme celui Nikki Yanofsky, le grand réalisateur prépare un album avec le concert de plusieurs invités de marque. Entreprise de vulgarisation consacrée à l'oeuvre d'un grand compositeur américain, Gershwin Across America réunit entres autres Jason Mraz, Trisha Yearwood, Jewell, Paul Simon, etc. Pour les amateurs plus pointus, son projet le plus palpitant est ce film documentaire sur l'histoire entière de la musique enregistré, film qu'il a produit avec Quincy Jones et dont la sortie est prévue l'an prochain.

L'homme n'est pas parmi les mieux indiqués pour remonter aux origines de l'enregistrement sonore?

«De 1945 au téléchargement» comme l'indique le titre de sa conférence à Montréal, Phil Ramone a vécu les grandes étapes de l'enregistrement sonore top qualité. Jeune violoniste inscrit à la prestigieuse Juilliard School of Music, Phil Ramone a manifesté un intérêt précoce pour les technologies. Avant même d'avoir atteint la vingtaine, ce musicien doué allait devenir un des grands gourous de l'enregistrement. Sa carrière le mènera sur touts les fronts de l'audio: albums, singles, musiques de film ou destinées à la télévision, jingles publicitaires, sonorisation d'événements majeurs, on en passe.

Adolescent, il se questionnait déjà sur les ingénieux procédés de surimpression imaginés par le guitariste Les Paul. Il eut tôt fait de rencontrer les meilleurs professionnels de la prise de son à l'époque, participer à la conception des premières chambres d'écho, connu les jeunes loups de son époque, à commencer par Quincy Jones, Ray Charles, Burt Bacharach, Hal David, Paul Simon. Dans la jeune vingtaine, Phil Ramone réalisait des albums dans tous les secteurs de la musique américaine: jazz, R&B, rock&roll, etc. Sa réputation était telle que le président des États-Unis à l'époque, John F Kennedy, l'avait recruté pour assurer une sonorisation optimale lors des concerts présentés à la Maison-Blanche.

Phil Ramone a aussi vécu l'invasion de la musique brésilienne à New York, en 1964. il a travaillé auprès des Jobim, Gilberto, jazzifié la bossa nova avec Stan Getz. Il a réalisé la fameuse trame sonore du film culte Midnight Cowboy (dont la musique fut composée par John Barry), a réalisé Promises Promises avec Barbra Streisand, travaillé avec Elton John, créé les duos virtuels de Frank Sinatra et les duos réels de Tony Bennett. Il a vécu les premiers balbutiements de l'enregistrement numérique, il fut aux premières loges de la naissance de la musique en ligne. Il s'oppose d'ailleurs à toute répression contre les internautes. «Ça ne me semble pas très joli de poursuivre ta clientèle. Il faut plutôt revenir à une offre de musique abordable pour quiconque.»

«Ma carrière, conclut-il, se résume à ces interrogations récurrentes: comment faire mieux dans un studio? Comment trouver la pièce idéale pour l'enregistrement idéal? Comment faire ressortir la qualité maximale de la musique en la reproduisant? Comment la faire entendre dans des conditions optimales? Je ne suis pas ici pour critiquer la musique en ligne, mais je crois que nos enfants ont aussi droit au meilleur son.»

Source : CyberPresse

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