RadioSouvenirsFM

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lundi 26 juillet 2010

Média_Gratuit depuis la fin de 2009, l'"Evening Standard" commence à engranger les fruits de ce choix risqué



Geordie Greig, le rédacteur en chef de l'Evening Standard, est en train de réussir un pari un peu fou : transformer un vénérable quotidien anglais, fondé en 1827, en journal gratuit. Quand le milliardaire russe Alexander Lebedev rachète le titre en janvier 2009 - il reprendra un an plus tard le quotidien de centre gauche The Independent -, celui-ci vend 140 000 exemplaires par jour et perd 30 millions d'euros par an. La direction envisage trois remèdes : relever le prix de vente en se résignant à ce que le tirage devienne peu à peu confidentiel ; arrêter le journal papier et continuer à alimenter un site d'information avec une rédaction réduite ; devenir gratuit.

C'est cette dernière solution qui est retenue et appliquée en octobre 2009. La nouvelle direction réduit les coûts. Le journal était distribué dans 8 000 points de vente, en kiosque ou par des vendeurs à la criée. Il est désormais offert dans 300 lieux fortement fréquentés comme les gares et les stations de métro. Le tirage est passé à 600 000 exemplaires. Le gros de la distribution s'effectue entre 16 heures et 18 heures. Dans le métro londonien, en fin d'après-midi, tout le monde a son Standard. Dès 19 heures, il est difficile de s'en procurer un exemplaire. Le journal est lu chaque jour par 1,4 million de personnes, ce qui a permis au quotidien d'augmenter ses tarifs publicitaires de 60 %. L'entreprise, encore déficitaire, qui a brièvement équilibré ses comptes pendant une semaine à la mi-juin, espère devenir rentable en 2012.

Le pari est d'autant plus audacieux que le Standard est resté un quotidien de qualité. Le plan d'économies n'a touché la rédaction que de façon marginale, puisque celle-ci a perdu seulement une vingtaine de journalistes sur 140. Contrairement aux gratuits low cost, l'Evening Standard propose chaque jour 64 pages et des articles longs. Il est réputé pour ses grandes signatures, en politique et en critique de livres ou d'art. Quand on demande à Geordie Greig quel est son secret, il répond simplement : "Une brillante équipe de journalistes". "Le secret, insiste-t-il, c'est de rendre les lecteurs accros à la qualité de la rédaction."

Cible plus large

Le quotidien
s'adresse à un large public. On y trouve des analyses financières et politiques, mais aussi des "gossips", ces ragots sur les people dont les lecteurs de tabloïds raffolent. "Le Standard reflète la population de Londres, avec sa diversité, ses centres d'intérêt, la manière dont elle dépense son argent", constate Tony Travers, politologue et spécialiste du grand Londres à la London School of Economics. Le journal cible la population des banlieusards qui traversent la capitale. Ils sont 1,2 million à transiter chaque jour par le centre. Geordie Greig reconnaît que la situation particulière de l'agglomération londonienne est un atout : "Le modèle fonctionne parce que nous sommes diffusés sur une zone réduite qui concentre une forte population." Le Standard bénéficie aussi d'un monopole dans la mesure où les autres quotidiens gratuits du soir, The London Paper et The London Lite, ont cessé de paraître. Le seul autre gratuit, Metro, est diffusé le matin.

L'Evening Standard est à la fois un quotidien local, s'adressant aux Londoniens, et un journal national, car il traite de l'actualité politique, économique et internationale comme les autres quotidiens de qualité. Seul journal paraissant l'après-midi, il met l'accent sur les scoops et l'actualité chaude du jour. La première édition est bouclée à 12 heures, la deuxième à 15 heures. Le Standard a été le premier à annoncer la démission de Gordon Brown, le 11 mai. "Il est très lu dans les rédactions et les ministères, note Tony Travers. Souvent, il donne le ton des journaux du lendemain."

Geordie Greig voit défiler dans son bureau des patrons de presse américains ou coréens, intéressés par l'expérience du Standard. George Brock, directeur du département de journalisme de la City University de Londres, pointe un certain paradoxe dans ce succès : "A l'heure où Rupert Murdoch érige un mur payant sur le Web, c'est un quotidien papier gratuit qui impose un nouveau modèle de rentabilité."

Source : LeMonde.fr Par : Xavier Ternisien

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