RadioSouvenirsFM

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mercredi 14 juillet 2010

Téléphonie IP_ Interdiction de la "VoIP" au Liban: de quoi parle-t-on au juste?




Depuis plus d'une semaine, l'affaire suscite à la fois l'attention et l'inquiétude des libanais. L'affaire est somme toute assez simple: le ministère des Télécommunications libanais souhaite interdire la "VoIP" sur son territoire en justifiant cette décision par la loi des télécoms de 2002 selon laquelle c’est la compagnie Ogero (qui appartient par ailleurs au Premier ministre Saad Hariri) qui possède le monopole de la téléphonie fixe. Mais que signifie précisément le terme "VoIP" et quels sont les enjeux qui se cachent derrière une telle interdiction?
"VoIP", "ToIP", "TCP-IP", ADSL, blablabla…

"VoIP" peut se traduire littéralement par "voix sur réseau - protocole Internet" (Voice over Internet Protocole), et elle correspond à une technique qui permet de communiquer par la voix via Internet ou tout autre réseau capable d'accepter le réseau TCP/IP (Transmission Control Protocol et Internet Protocol). Cette technologie est notamment utilisée pour supporter le service de téléphonie IP ("ToIP" pour "Telephony over Internet Protocol"), en d'autres termes, la téléphonie via Internet.

Concrètement, le terme est généralement utilisé pour décrire des communications "point à point", d'une adresse IP (votre porte d'entrée sur le web et votre identifiant de connexion à Internet) vers une autre adresse IP. Nul besoin de vous rappeler que le réseau Internet est mondial ce qui fait en sorte que la distance entre les deux portes d'entrées n'a guère d'importance et que l'on peut discuter grâce à son ordinateur et à une bonne connexion comme on peut le faire avec son téléphone fixe, à la seule différence que la facture téléphonique n'a pas tendance à gonfler comme lorsque l'on passe des appels internationaux avec la machine du bout du fil (le seul coût: votre abonnement à Internet)…

Ce "transport de communication" via le protocole Internet est dépendant du délai de latence d'un réseau Internet c'est à dire le délai entre le moment où une information est envoyée et celui où elle est reçue (en d'autres termes "une bonne connexion"…). La "bonne connexion" au Liban n'était pas vraiment au goût du jour, mais voilà qu'elle commence à s'imposer comme une nécessité pour les particuliers comme pour les entreprises. Pas étonnant alors que de nouveaux enjeux politiques et socio-économiques apparaissent dans le pays où les tarifs des appels téléphonique sont extrêmement élevés.

Skype, Live messenger, Yahoo messenger, Google talks, AIM, ICQ, etc… De "grands dangers"? Pour qui?

Avec la banalisation des réseaux haut débit partout dans le monde, le nombre d’applications VoIP possibles a considérablement augmenté: appeler un utilisateur Skype partout dans le monde s'avère aujourd'hui très simple et tout simplement gratuit, comme le fait d'envoyer un e-mail et de tchatter sur Live messager, G-Talk, AIM ou ICQ (messagerie instantanées).

La réalité socio-démographique du Liban est telle qu'il y a plus de libanais en dehors qu'à l'intérieur du pays. Le Liban est aussi un pays d'affairistes qui se sont emparés de ce service de téléphonie via Internet pour réduire les coûts de leurs entreprises. Le nombre d'utilisateurs est donc extrêmement important et à tendance à se passer du service classique de communication (le téléphone dit "fixe") pour rester en contact avec ses proches (familles libanaises expatriées au Brésil par exemple ou meeting d'entreprise entre Beyrouth et Dubaï).

Avec le développement de "switch" (solutions de téléphonie directes sur IP, c'est à dire de téléphones aux formats classiques qui utilisent Internet comme chemin de communication) pas étonnant que de grands responsables d'entreprises de télécommunications libanaises montent au créneau pour dénoncer ce qu'il pourraient nommer une "concurrence déloyale" alors que ce sont eux, fournisseurs d'accès, qui contrôlent l'accès au web, entité décidément bien difficile à contrôler…

L'évolution du réseau des réseaux et la bataille mondiale de l'Internet

L'affaire qui a lieu en ce moment au Liban n'est qu'une illustration du combat global des gouvernements face aux possibilités qu'offre le web et encore une fois, le vilain monstre de la censure fait son apparition. En quelques jours, le groupe "Lebanese Gvt is nos blocking Skype and éther Voice Over IP: Vote against!" a rassemblé plus de 8000 membres. La mobilisation s'organise contre ce projet de loi qui handicaperait gravement la communication de la diaspora libanaise et les vidéo-conférences de nombreuses entreprises libanaise installées partout dans le monde. Ce même groupe a créé l'évènement en interpellant le ministre via Internet (facebook et messagerie électronique) et est en attente d'une réponse du Ministre face aux desiderata des internautes libanais.

Jusqu'où le Liban, pays réputé comme ouvert au Monde et non liberticide, pourra utiliser les possibles de l'Internet? Plus globalement, verrons nous la fin de la téléphonie classique face à l'avènement du "tout communication" web? Et de quelles manières les gouvernements font et feront face à ces nouveaux enjeux?

Difficile de comprendre de quoi cette interdiction de la VoIP au Liban est-elle le nom, si ce n'est d'un moyen pour l'État de combler un déficit (sachant que les télécommunications au Liban sont privatisées comme nous le mentionnons précédemment auquel cas la VoIP ne fait pas perdre d'argent à l'État mais à des entreprises privées).

À l'heure où la commission européenne invite tous les acteurs du secteur du web à s'interroger sur la notion de "neutralité de l'Internet" (qui renvoie à l'égalité de traitement censée être accordée à toutes les données transitant sur le réseau, que ce soit au niveau de la vitesse de connexion ou des éventuels filtres appliqués au contenu), certains internautes européens voient dans ce débat un moyen d'affirmer la liberté d'expression et d'information, qui nécessite l'absence de filtres sur le réseau.

Qu'en sera-t-il au Liban? Affaire à suivre....

Source : Iloubnan.info par François Huguet

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