RadioSouvenirsFM

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vendredi 4 janvier 2008

Media_LA RADIO AU RAYON X



Depuis qu’on peut écouter de la musique sur un téléphone portable ou sur un ordinateur relié à Internet, la radio a perdu son monopole. Elle aurait pu en profiter pour desserrer l’étreinte sur ses playlists. Au contraire, pour ne pas être décrochée, elle se plie à son tour aux nouveaux modes de consommation de la musique.

Il suffit d’allumer la radio pour s’en rendre compte : les mêmes titres passent en boucle et une minorité d’artistes colonisent les ondes, telle une oligarchie pop. Mais ce discours est tellement rebattu qu’on avait fini par croire qu’il n’était plus tenu que par des auditeurs en mal de revendications, voire carrément élitistes. Hélas, les chiffres confirment l’extrême concentration des playlists : selon le rapport 2005 (le dernier en date) de l’Observatoire de la musique, une structure créée à l’initiative du ministère de la Culture, 2,8 % des titres représentent 76,2 % des diffusions ! Ce constat n’est pas nouveau : les intérêts commerciaux qui gouvernent la radio sont une réalité qu’il ne s’agit pas de remettre en cause. Pour autant, il n’est pas inutile d’en pointer les excès et de montrer les effets pernicieux qu’ils peuvent avoir sur le public, la création et le rôle des radios.


Des ondes ultra segmentées

A priori, le fait que les radios ciblent des publics précis contribue à élargir le paysage musical. Encore faut-il ne pas sombrer dans l’excès inverse… On distingue trois formats de radios musicales : les radios "jeune" (NRJ, Fun Radio, Skyrock), "jeune-adulte" (Europe 2, RTL2, le Mouv’) et "adulte" (Nostalgie, RFM, Chérie FM). Celles dont les playlists sont les plus concentrées sont les radios "jeune" : environ 850 titres différents diffusés chaque trimestre en moyenne, contre près de 2000 sur les radios jeune-adulte. Afin de contenter un auditoire en mal d’identification et soucieux de ne pas écouter la même chose que papa-maman, elles surfent sur la mode du moment : leur programmation remonte rarement plus de deux semaines en arrière (80 % de nouveautés) et se périme tout aussi vite. Le but ? Imposer sa culture "jeune" à un public persuadé d’être dans le coup et libre de ses choix... Les parents, eux, semblent condamnés à réécouter les tubes de leur jeunesse. Le cas de Nostalgie, qui sacrifie la nouveauté pour se tourner uniquement vers le passé, illustre les limites de cette segmentation poussée à l’extrême. Les radios "pour jeunes" et les radios "pour vieux" : l’éphémère d’un côté, le surplace de l’autre.

La spécialisation la plus néfaste à laquelle se plient les stations de radio est aussi la plus évidente : elle consiste à les classer par genres (RTL2 ou Ouï FM pour le pop-rock, Ado FM et Skyrock pour le rap/r’n’b, Chante France pour la variété francophone…). Ce système de niches conforte les habitudes des auditeurs plutôt que d’attiser leur curiosité. En dressant des murs entre les genres musicaux, il entrave leur fusion et contribue au sectarisme de certains fans : il subsiste par exemple depuis toujours une guerre de tranchée, une bagarre de cour d’école entre rockeurs et rappeurs. Comme si AC/DC et NTM étaient forcément incompatibles... Bien sûr, chaque scène a son public. Mais quand on sait que les radios musicales diffusent moins de morceaux que les radios généralistes (RTL ou Europe 1), dont ce n’est pourtant pas la vocation et qui consacrent beaucoup plus de temps à des émissions parlées, il y a de quoi se poser des questions ! Finalement, les stations "musicales" portent mal leur nom : soumises à une stratégie commerciale et à de véritables études de marché (un comble pour des oeuvres artistiques), ce sont elles qui offrent le paysage musical le plus restreint.


Internet : bientôt la fin des radios FM ?

Cette politique s’est encore accentuée depuis que ces radios ont lancé leurs webradios. Ainsi, en allant sur le site de Nostalgie, on peut écouter Nostalgie 60’s, Nostalgie 70’s, Nostalgie Soul, Slow, Dance, etc. Europe 2 propose sa version "nouvelle scène", une autre "rock alternatif" et une dernière consacrée aux "rock classics 70". Mais c’est NRJ qui bat tous les records avec pas moins de onze déclinaisons web ! L’objectif n’est pas seulement de délimiter au maximum les goûts du public : il consiste également à verrouiller l’horizon musical, de sorte que l’auditeur soit forcé de rester dans le giron de la radio. Car le mode de consommation de la musique a changé : l’auditeur ne se contente plus d’allumer son poste pour accéder à un contenu général, il va lui-même chercher ce qu’il a envie d’entendre. D’où la volonté des radios d’anticiper ses choix, de les lui servir sur un plateau et de s’assurer sa fidélité en collant à ses goûts de manière presque individualisée : "Ma radio, mon Europe2", voilà le type de slogans qu’on entend désormais. Cette stratégie offensive a permis aux radios de remplacer le walkman : l’auditeur n’a plus besoin de sélectionner ses morceaux préférés, la webradio s’en est chargée à sa place ! Comme dans beaucoup de domaines, cette apparente liberté consiste en réalité à une prise en main imposée.

Internet a contribué à faire de la musique non plus l’activité principale des radios dites commerciales (c’est leur nom officiel) mais leur vitrine, un simple produit d’appel. Que trouve-t-on lorsqu’on se rend sur le site de Fun Radio ? Des sonneries de portables et des titres à télécharger sur iTunes ainsi qu’un support pour bâtir son blog. Sur celui d’NRJ ? Des publicités pour le forfait NRJ mobile. A défaut d’élargir leur playlist, les grands réseaux ont élargi leur domaine d’activité : l’offre radiophonique n’est plus qu’un produit dérivé de la gamme NRJ ou Skyrock. Leur sigle ne définit plus seulement une station de radio, il tend désormais à identifier une communauté, un espace au sein duquel l’auditeur passif devient consommateur. Un peu comme si vous rentriez dans un magasin de disques et que vous ressortiez avec une paire de baskets Universal… Cette omnipotence devient franchement douteuse lorsqu’une radio occupe tous les échelons du commerce culturel : la création (via MyNRJ, une sorte de Myspace du pauvre, ou en sponsorisant certaines émissions de télécrochet), la promotion (NRJ mais aussi NRJ12 à la télévision, NRJ Mobile) et la reconnaissance (les NRJ Music Awards). Symbole de cette production circulant en vase clos, Europe 2 qui devient Virgin Radio (propriété de la maison de disques éponyme) en cette fin d’année 2007.


Des genres musicaux passés sous silence

C’est là tout le problème : les webradios adoptent un positionnement au sein de la programmation de la radio mère et non en dehors, elles n’apportent donc aucune valeur ajoutée. Certains genres musicaux, parce qu’ils ne rentrent pas dans les habitudes des auditeurs, restent désespérément absents des playlists FM et Internet. Il s’agit en vrac du classique, du jazz, des musiques européennes non anglo-saxonnes (réunies sous l’étiquette bancale de "world music" dans les rayons de la Fnac) mais aussi des instrumentaux, qui paient l’absence de slogan facilement mémorisable, ou plus largement des morceaux longs. En gros, tout ce qui ne se digère pas aussi facilement qu’un bon vieux couplet-refrain-couplet-refrain-pont-refrain. A titre d’exemple, une autre enquête de l’Observatoire de la musique souligne que "le jazz n’est pas un genre musical programmé par les radios nationales ou les radios musicales en France." Ces genres mis de côté ne trouvent leur place que sur des stations qui leur sont exclusivement consacrées (TSF pour le jazz) ou dans des émissions confidentielles diffusées le dernier jeudi du mois à trois heures et demie du matin. Bref, ils risquent de souffrir encore longtemps de leur image élitiste.


L’avènement des succès surprises

Paradoxe amusant, c’est au moment où les radios réduisent au maximum les risques de bousculer leurs auditeurs que les succès inattendus se multiplient. Les prémices sont apparues en 1997 avec le carton d’un titre sorti de nulle part, ‘J’t’emmène au vent’ de Louise Attaque. Miossec, les Têtes raides puis Bénabar, Mickey 3D, -M- ou Renan Luce ont confirmé l’avènement d’une génération d’artistes dont le succès s’est construit sur scène. Passés par les radios associatives et les labels indépendants, certains d’entre eux considèrent même comme une preuve d’intégrité le fait de ne pas avoir été diffusés à la radio ! Au niveau international, on pourrait ajouter Norah Jones ou Ayo à la liste de ces succès bâtis en dehors du circuit marketing habituel. Attention, il ne s’agit pas de défendre cette vision manichéenne de la musique qui oppose ambitions commerciales et artistiques. Mais qu’on les apprécie ou non, ces nouveaux venus ont eu le mérite de forcer la porte des playlists radio et de montrer que le succès ne se calculait pas. L’expression "nouveau talent" a désormais le vent en poupe et ce sont ces succès surprises qui, aujourd’hui, assurent leur audience aux radios. Le mot "surprise" disparaîtra lorsque celles-ci auront compris que des artistes moins en vue peuvent aussi leur ramener des auditeurs.

Source : EVENE.fr
Julien Demets pour
Evene.fr

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