RadioSouvenirsFM

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vendredi 1 août 2008

Musique_Licence globale : le retour !




Nicolas Sarkozy
a reçu Jacques Attali à l'Elysée, le 4 juillet, soit six mois après la remise du rapport de la commission pour la libération de la croissance française. Si deux tiers des quelque 300 propositions ont été mises en oeuvre, les autres le seront, dit-on, « à deux ou trois choses près »... Parmi les « décisions » qui passeront à la trappe, il y en a une qui est pourtant à nouveau d'actualité à la veille des débats parlementaires prévus à la rentrée prochaine autour du projet de loi sur la création et Internet. Il s'agit de la no 57 qui prône, sans la nommer, la « licence globale », laquelle avait fait grand bruit avant l'adoption de la loi sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information (Dadvsi). Cette formule, si elle devait être mise en oeuvre, consisterait à donner aux internautes le droit de télécharger toutes les musiques sur Internet, de façon quasi illimitée. Et ce moyennant une modique somme payée avec leur abonnement, ou hors forfait. Cette redevance obligatoire serait, par exemple, perçue par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem). Mais, de cette proposition, « ils [Sarkozy et Attali] n'en ont pas parlé et le président est toujours contre cette licence globale ; la mesure ne sera pas mise en oeuvre », nous assure-t-on à l'Elysée.

Le rapport Attali, pour qui la contribution aux auteurs ou interprètes des oeuvres musicales audiovisuelles devrait être versée par les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) eux-mêmes, quitte à la répercuter sur les « usagers », prenait ainsi le contre-pied du rapport Olivennes. Ce dernier fut remis deux mois plus tôt (en novembre 2007) à Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication, pour aboutir aujourd'hui au nouveau texte de loi qui prévoit un système de « riposte graduée », assorti d'une procédure judiciaire : identification des internautes pirates, avertissements puis lettres recommandées, avant suspension éventuelle de l'abonnement, voire filtrage des réseaux « peer to peer » si besoin était. La commission Attali lui oppose « une logique contractuelle responsabilisant l'internaute » et son FAI. Tout en tablant sur « les internautes [qui] pourraient l'accepter volontairement, et sans contrainte ni surveillance », Attali estime que « la rémunération des artistes doit être - en plus - assurée par des mécanismes d'abonnement et par les vrais bénéficiaires du téléchargement ». A savoir les FAI, à qui « il convient de faire verser (...) une contribution aux ayants droit auprès des différentes sociétés de gestion collective des droits d'auteur, sous la forme d'une rémunération assise sur le volume global d'échanges de fichiers vidéo ou musicaux ».

Réplique de la ministre Christine Albanel, qui était alors en janvier 2008 à Cannes pour le Marché international de la musique (Midem) : « Cette proposition (...) nous égare, une fois de plus, sur une fausse piste... » Pourtant, la licence globale bouge encore. Par ailleurs, les FAI contribuent déjà au Compte de soutien à l'industrie de programmes (Cosip) et pourraient financer l'audiovisuel public. D'autant que les ayants droit ne sont pas tous hostiles à ce type de licence légale obligatoire et collective, puisqu'ils l'appliquent aussi depuis longtemps pour la « rémunération de la copie privée » au travers de taxes prélevées sur les supports de stockage numérique. Pourquoi cette redevance pour l'exception de copie privée (dans le cercle familial) ne pourrait-elle pas être étendue aux FAI ? « Parce que l'échange sur Internet n'est pas restreint », répond l'industrie culturelle.

Néanmoins, des licences légales s'imposent d'elles-mêmes. Sur le modèle des accords de licence de diffusion « gratuite » des oeuvres musicales à la radio (lesquelles reversent de 4 % à 7 % de leur chiffre d'affaires aux sociétés de gestion) sont apparues des « mini-licences globales » privées que sont les offres en ligne de « musique illimitée » : Neuf Music avec Universal Music, Musique Max par Orange, Pass Music Live de SFR, Musiline chez Lagardère, Nokia avec son Comes With Music, Alice Music pour Telecom Italia France (racheté par Free)... Même iTunes n'y coupera pas. Ce type de services d'abonnement se multiplie depuis 2006 (eMusic). Le catalogue du numéro un des majors du disque, Universal Music, est accessible de façon illimitée avec l'abonnement Internet-TV-téléphone de Neuf Cegetel à 29,90 euros par mois. FNAC Music propose 1 million de titres pour 9,90 euros mensuels en plus. Nombre illimité de chansons chez MusicMe aussi, pour 9,95 euros. On n'est plus très loin de la licence globale, que d'aucuns verraient bien à 5 euros par mois... La tendance est aussi au « streaming » (écoute de titres sans enregistrement de fichiers) comme sur RadioBlogClub, Deezer ou toute « webradio ».

Quoi qu'il en soit, la vente en ligne de titres à 0,99 euro TTC ou d'album à 9,99 euros ne satisfait ni les internautes (trop cher), ni les exploitants (pas assez). Des parlementaires, dont certains avaient fait voter l'Assemblée nationale, le 21 décembre 2005, en faveur de la licence globale - avant d'être désavoués par le gouvernement - remontent au créneau via une pétition de socialistes publiée le 17 juin 2008 dans « Libération ». Ils en appellent à une « licence légale (...) pour Internet ». Une licence globale en somme. « Les formes de rémunération indirecte (...) sont d'autant plus faisables techniquement que les modèles économiques des majors ont évolué ces derniers mois vers une offre illimitée », relèvent-ils. Et de mettre en garde : « La loi dite Dadvsi a créé une fracture profonde entre les créateurs et leur public. Le projet [«création et Internet»] risque d'aggraver cette fracture. »

A moins que la future loi ne joue le rôle d'épouvantail le temps que les licences légales et les plates-formes légales de téléchargement ne s'imposent sous l'égide de l'industrie du disque. La déferlante publicitaire sur Internet tend à donner raison aux adeptes de la musique gratuite pour les auditeurs, les artistes étant rémunérés sur ces revenus. My- Space ou YouTube s'y mettent. L'Union des producteurs phonographiques français indépendants (Upfi) fait partie de Merlin, une organisation internationale qui a vocation à signer des licences avec ces grands acteurs du Net. A côté de sociétés d'auteurs historiquement pro-licence globale (Spedidam, Adami...), d'autres y songeraient comme la SCAM, tandis que la Sacem n'y serait pas totalement opposée... Quant au cinéma, il n'est pas en reste. Les producteurs de films observent que lorsque Free lance une promotion « triple play » incluant « 1 an d'abonnement offert à Canal+ le Bouquet pour 1 euro de plus seulement », cela ressemble à une offre de cinéma illimitée comprise dans l'accès. « Ceux qui, pour légaliser le pillage des oeuvres, ont ressorti le modèle de la licence globale pour la musique (...) n'ont aucune proposition concrète et alternative au financement actuel des films et à la rémunération des cinéastes », ont écrit une trentaine d'entre eux dans « Le Monde » du 9 juillet, emmenés par l'ARP, société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs.

Source : LesEchos.fr
CHARLES DE LAUBIER est journaliste au service high-tech médias des « Echos ».

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