RadioSouvenirsFM

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mercredi 10 décembre 2008

Média_De journalisme et de technologies: le métier a changé



La semaine dernière, je participais à l’émission hebdomadaire de Michel Dumais, Citoyen numérique, sur les ondes de CIBL Radio-Montréal 101,5 sur la bande FM (que l’on peut écouter en direct ici). Le thème du jour, l’avenir du journalisme et des journalistes.

Parmi les invités, François Bourque, le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) qui est en congrès d’ailleurs à Québec aujourd’hui et cette fin de semaine. Aussi, via le téléphone, Jeff Mignon, de Mignon Media, une firme spécialisée en stratégie et design de média établie à New York et qui a récemment revu le design du journal Les Affaires et de son site Web, notamment. Également, deux étudiants en journalisme à l’Université de Montréal, Charles Mathon et Stéphane Waffo, qui d’ailleurs couvriront en direct le congrès de la FPJQ (suivez twitter.com/hebdomatrix).

Dans le milieu, mais aussi hors du milieu, le passage à Internet, les nouvelles technologies, les blogues, le Web 2.0, la globalisation de l’information, la Google-isation de l’actualité, et quoi encore, soulèvent des questions, des discussions, des interrogations et quelques débats.

C’est d’ailleurs le thème central de la présente édition du congrès de la FPJQ : La révolution tranquille de l’information. On parlera notamment de la manière d’intégrer les citoyens dans les nouvelles. De l’avenir des médias traditionnels. Des changements du métier reliés au Web lequel oblige les journalistes de l’écrit à s’initier à la vidéo, entre autres. À l’impact de Google, etc. Avant de discuter en plénière de ce qu’est un journaliste.

Je ne veux pas ici entrer dans ce débat de la définition de ce qu’est un journaliste. Et non plus dans celui de savoir si les blogueurs sont des journalistes ou non. Un débat qui n’est pas sans m’en rappeler un autre qui avait eu cours sur la journa-liste (l’ancienne liste de distribution des journalistes, membres ou non de la FPJQ) et qui portait sur qui avait le droit de porter le titre de journaliste. Et qui invariablement glissait sur la pertinence de transformer la Fédération en Ordre professionnel afin de limiter l’usage du titre professionnel de journaliste.

Je dirai simplement qu’à mon humble avis, avant d’être un métier ou une profession, avant d’être soumis à un code d’éthique ou de suivre des règles, être journaliste, c’est un état, un réflexe. Une curiosité, une rigueur. Voilà. Pour le reste, je laisserai à d’autres le soin de tergiverser.

L’influence des technologies

Par contre, côté influence des technologies sur le métier, là, il y a une ou deux choses dont je peux parler pour contribuer à la conversation.

D’abord, précisons d’entrée de jeu que je n’ai pas connu l’époque nostalgique de la dactylo Underwood, ou de la dictée d’un article au téléphone. Je vous épargnerai aussi l’évolution de la typographie à l’éditique, rendue possible par l’informatique et démocratisée par la micro-informatique. Mais malgré tout, j’ai quand même vu passer quelques changements au cours des 20 dernières années. Notamment, parce que notre magazine a été parmi les premiers au Québec à explorer le Web (après Québec Science), ayant déployé un premier site en 1995.

Ce mouvement vers Internet, un virage que l’on prenait presque pour le plaisir d’expérimenter au départ, a sérieusement modifié notre métier, dans les deux directions, d’ailleurs. Tant dans notre processus d’acquisition d’information que dans sa diffusion.

Lorsque j’ai pris la direction de ce magazine, il était mensuel et uniquement imprimé. Puis, en créant notre premier site, on a reproduit le contenu du magazine sur le Web. Ensuite, on a commencé à créer du contenu exclusif pour le Web. Et pour s’attirer des lecteurs, on a commencé à diffuser un bulletin électronique hebdomadaire par courriel, en 2003, un bulletin essentiellement dédié à l’actualité de l’industrie québécoise des TI. Nous avons ensuite augmenté la fréquence de nos envois électroniques à deux fois par semaine en ajoutant des bulletins thématiques, de style magazine.

Il y a quelques mois, nous avons décidé de diffuser un bulletin sur une base quotidienne, fusionnant ainsi le contenu d’actualité et les chroniques ou reportages en une seule publication électronique.

Parallèlement, nous multiplions et expérimentons divers canaux de distribution du contenu que nous créons, via des fils RSS ou des microblogues, par exemple.

Le métier a changé. Pas au fond, mais dans sa forme, dans sa fréquence, dans sa vitesse de réaction. La démarche journalistique demeure (et devrait demeurer, espérons-le) la même. Le danger, cependant, est de confondre la technologie et le genre journalistique, comme l’a souligné de façon pertinente Jeff Mignon dans ses interventions lors de l’émission d’hier. On a souvent tendance à qualifier le blogue, par exemple, de genre alors qu’il s’agit d’une plate-forme, a souligné Jeff Mignon. On retrouve des blogues qui font de l’actualité, de la critique, du commentaire, du pamphlet, de l’enquête, du reportage, de la poésie, du journal intime, etc., tout comme on retrouve ces mêmes genres sur des sites Web, dans des magazines, dans des journaux et autres médias.

Les médias imprimés tout comme les médias électroniques et les blogues permettent l’échange avec les lecteurs et les auditeurs, via les lettres des lecteurs, les « lignes ouvertes » et les commentaires sur les blogues. La vitesse de réaction peut être différente selon la plate-forme, mais au fond, la démarche de communication reste plus ou moins la même.

Une approche plus personnalisée

Ce qui change aujourd’hui cependant, c’est la diversité, le choix des plates-formes, la mesure.

Le citoyen a désormais accès à une multitude de plates-formes d’information. Et arrêtons de penser qu’il y aura une consolidation et que la diversité des sources diminue. Au contraire. Avec Internet, il nous est désormais possible de consulter un plus grand nombre de sources d’information, qu’elles soient des sources brutes ou à valeur ajoutée.

Comme consommateur d’information, nous avons le choix des plates-formes. Journal, magazine, bulletin électronique, site Web et blogue, radio, télé, baladodiffusion et quoi encore. Et souvent, les « news-junkies », les grands amateurs d’informations dont je suis, consomment sur différentes plates-formes. Je suis, par exemple, un abonné au journal Le Devoir, en format électronique. Selon l’endroit où je me trouve et le temps que je peux y accorder, je le lis en ligne en format virtuel ou PDF ou encore, je lis les manchettes via un agrégateur RSS, soit sur mon ordinateur ou sur mon iPhone.

Les médias sont donc devenus des créateurs de contenus, lesquels sont distribués selon plusieurs plates-formes. Et il n’y a pas, pour l’instant et sans doute pour un certain temps sinon toujours, une seule plate-forme qui s’impose. Comme créateurs de contenus, nous sommes pratiquement dans l’obligation d’explorer toutes les plates-formes, c’est-à-dire, tous les moyens de rejoindre notre communauté d’intérêts. Imprimé, Web, courriel, RSS, téléphone mobile, blogue et microblogue, balado audio et vidéo et quoi encore. Il faut permettre ce choix et je suis persuadé que nos lecteurs/auditeurs apprécient cette possibilité de choisir par quel vecteur ils consomment l’information que nous rendons disponible.

Baisse de l’imprimé

Oui, il est possible que l’imprimé diminue, mais ce n’est pas une catastrophe, l’information passe ailleurs et les médias sont dans la business de créer des contenus, pas d’imprimer du papier.

Quand je suis arrivé à Direction informatique, la référence mondiale en matière de publication de l’industrie informatique s’appelait Computerworld, un « tabazine » (magazine de format tabloïd), qui pouvait facilement faire entre 100 et 200 pages imprimées par semaine. Aujourd’hui, Computerworld imprime la moitié moins de pages, lesquelles sont de format magazine. On peut prévoir que d’ici quelques années, la version papier cessera d’être distribuée au profit d’une version électronique, comme ce fut le cas pour PC Magazine et plus près de nous pour Atout Micro.

Par contre, le modèle d’affaires de Computerworld se transpose sur le Web. Selon la haute direction de l’entreprise qui le publie, IDG Communications (Direction informatique fait partie de ce grand réseau de médias spécialisés), la hausse des revenus sur le Web a compensé la baisse des revenus sur papier. Dans notre industrie, nous vivons ce passage sans doute plus rapidement qu’ailleurs, en raison du créneau technologique dans lequel nous évoluons.

Le monde de la mesure

Évidemment, comme toutes les publications, payantes ou gratuites, l’essentiel des revenus des médias est généré par la publicité. Et le monde de la publicité est très bien servi par Internet puisque les instruments de mesure de l’impact des publicités sont beaucoup plus raffinés. C’est d’ailleurs ce qui plaît aux annonceurs.

Les outils de mesure permettent de savoir exactement combien de publicités sont livrées au lecteur, combien de temps ce dernier est exposé à ces publicités et s’il est intéressé à en savoir plus en cliquant sur la pub en question.

Évidemment, cela oblige les éditeurs à mesurer également leur inventaire d’espace publicitaire disponible avec plus de rigueur. Si on part du modèle magazine ou journal, dont le calcul d’inventaire tient à un ratio de page de publicité en fonction du nombre de « pages distribuées » dans le réseau (abonnés et kiosques), sur Internet, l’inventaire est relatif au nombre de pages affichées. Ce qui est entièrement différent. Il faut donc s’arranger pour faire afficher un nombre important de pages. Et mesurer le tout efficacement.

Ce qui change le modèle. Il est tentant de trouver différentes stratégies pour faire augmenter le nombre de ces pages vues. Le positionnement dans Google et toutes les techniques d’optimisation pour les moteurs de recherche font partie de ces stratégies.

La qualité du contenu peut et doit également entrer dans l’équation, mais la tentation est grande de ne donner au lecteur/visiteur que ce qu’il veut. Voilà qui est une source débat, en particulier chez les journalistes : faut-il donner au lecteur que ce qu’il veut ou aussi ce que l’on juge qu’il doit savoir même si ce contenu est moins populaire? Comme journalistes, rédacteurs en chef ou éditeurs, peut-on prétendre savoir mieux que nos lecteurs ce qu’ils doivent lire?

Vers la sémantique

Les outils qui mesurent le trafic sur les sites Web sont pour l’instant assez orientés sur la quantité : le nombre de pages vues, le nombre de visiteurs, la fréquence des visites, le temps de navigation sur le site, etc. L’analyse des contenus est encore assez rudimentaire et repose beaucoup sur des perceptions de la part de ceux qui consultent ces données.

Mais ce n’est que le début. On peut s’attendre à une évolution de la mesure et de l’analyse, encore une fois grâce aux technologies, alors que plusieurs s’attaquent à une approche sémantique des contenus. Déjà, vous voyez des sites Web qui vous proposent d’accéder à d’autre contenu, pertinent à celui que vous êtes en train de consulter. Il y a toutes sortes de façons de réaliser cela, de manière plus ou moins automatique, avec des catégories ou des mots-clés, par exemple. Mais l’approche sémantique, avec des arbres de concepts, permet d’automatiser encore plus ce modèle et avec une précision beaucoup plus grande.

Ceci permet alors aux créateurs de contenu d’offrir une information plus pertinente à leurs lecteurs/visiteurs. De mieux les connaître, de mieux les qualifier. Ceci permettra aussi aux annonceurs de choisir les lecteurs qu’ils veulent rejoindre en s’associant à des contenus spécifiques, personnalisés et en contexte.

Est-ce que cela aura des impacts sur les médias, le journalisme et les journalistes? Certainement. Lesquels? Il faudra voir, mais il est clair que chaque média devra expérimenter, tester, mesurer, analyser les données, échouer, recommencer, innover, évoluer et se distinguer. Bien connaître son public et bien le servir.

Et ça, c’est beaucoup plus que des technologies.

Voici, en vrac, quelques références pour suivre l’évolution des médias dans un contexte de nouvelles technologies:

La communauté MédiaChroniques sur Ning

Le blogue Publishing 2.0

L’observatoire du journalisme

Novovision, un blogue qui traite d’Internet, de médias et de journalisme en ligne


Le blogue de Bruno Boutot

Source : Direction Informatique

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