RadioSouvenirsFM

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mercredi 31 décembre 2008

Média_L'Etat turc lance sa première chaîne en langue kurde



ISTANBUL CORRESPONDANCE

Pour la première fois en Turquie, à partir du 1er janvier 2009, une chaîne de la Radio-télévision d'Etat (TRT) va émettre en langue kurde, provoquant une petite révolution dans le paysage audiovisuel turc. Vingt-quatre heures sur 24, la TRT 6 diffusera, sans sous-titres, des films, des documentaires, des séries et des émissions musicales.

Un bref aperçu de ses programmes a été dévoilé, jeudi 25 décembre, pour une répétition générale, à une semaine du lancement officiel auquel doit participer le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. "L'objectif principal est de refléter la diversité culturelle de la Turquie", annonce la chaîne, répondant ainsi à une exigence d'ouverture réclamée de longue date par l'Union européenne.

Un tel souci est récent en Turquie où l'on compte environ 12 millions de Kurdes, soit un habitant sur six. L'interdiction de diffusion a été levée, légalement, en 2002. Utiliser l'une des trois langues kurdes - kirmanji, sorani ou zaza - a longtemps été interdit et demeure, dans certains cas, un acte de défiance envers l'Etat. Dans les années 1980, les Kurdes parlaient une "langue inconnue", le Langage des montagnes, selon le titre d'une courte pièce écrite par Harold Pinter, au retour d'un voyage en Turquie. "C'est la reconnaissance par l'Etat d'une langue dont l'existence même était niée, estime l'avocat Sezgin Tanrikulu, ancien bâtonnier de Diyarbakir. Mais si l'objectif est de se débarrasser du PKK (Parti des travailleurs kurdes), alors c'est une erreur."

INSTRUMENT POLITIQUE

Dans la région kurde, la naissance de cette chaîne publique est accueillie avec prudence. A trois mois des élections municipales, elle est perçue comme une manoeuvre du parti au pouvoir, le Parti de la justice et du développement (AKP). Les restrictions encadrant l'utilisation de la langue kurde restent trop nombreuses, dans l'éducation et les services publics notamment. Des maires de villes du sud-est du pays sont encore régulièrement condamnés pour avoir employé leur langue maternelle dans des tracts ou des discours politiques.

Le chanteur et poète kurde Sivan Perwer, en exil en Europe depuis 1976, a été approché par la TRT pour participer au lancement, le 1er janvier. Il a décliné l'offre. Pour beaucoup, la chaîne ne peut être autre chose que "la voix de la Turquie", un instrument politique au service de l'Etat. Le coordinateur de TRT 6, Sinan Ilhan, ex-diplomate kurdophone nommé par le gouvernement, affirme qu'il s'agit avant tout de "fournir des programmes contribuant à la prise de conscience démocratique de la population du pays".

Le but est aussi de contrer l'influence des chaînes satellitaires comme la très populaire Roj TV qui émet depuis le Danemark et qui est accusée de servir de porte-voix à la rébellion armée du PKK qui, avec ses différents relais politiques et médiatiques, a appelé au boycott de la télévision publique.

Source : LeMonde.fr
Guillaume Perrier

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