RadioSouvenirsFM

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jeudi 8 janvier 2009

Média_Quotidiens espagnols : la fin d’un secteur prospère.



Pendant de nombreuses années, la presse espagnole a maintenu une bonne diffusion des quotidiens payants. Aujourd’hui les principaux titres nationaux comme El País sont touchés par la baisse des recettes publicitaires. La presse gratuite, une des plus dynamiques d’Europe, est contrainte de réduire le nombre d’éditions et les effectifs au sein des rédactions.

« Ce qui m’étonne le plus, c’est que ce soit le Président de la République qui prenne l’initiative de lancer des États-généraux de la presse. Ce n’est pas un sujet qui doit être aux mains de l’exécutif ». Lluis Bassets, directeur adjoint de la rédaction d’El País ne cachait pas son scepticisme vis-à-vis de l’initiative de Nicolas Sarkozy dans une interview pour 20minutes.fr en mai 2008. Et pourtant si la crise de la presse est aussi une réalité européenne, elle n’a pas la même ampleur selon les pays. L’Espagne semble mieux résister que la France aux premiers effets ce celle-ci. Explications.
Récente crise de la diffusion

Selon les estimations publiées par l’AEDE (l’association patronale espagnole des éditeurs de journaux) dans le Livre blanc de la presse quotidienne en 2008, le nombre d’exemplaires vendu devrait chuter autour de 1,89 % après avoir connu une hausse de 0,43% en 2007. L’Association Espagnole de la Presse Gratuite (AEPG) fait savoir sur son site, que le tirage des quatre plus grands quotidiens gratuits nationaux, 20 Minutos, Metro, ADN et Qué ! a baissé de 18,7% en 2008. Qué ! étant le plus touché avec 216 000 exemplaires en moins.

Pourtant l’Espagne connaissait encore récemment une progression de la diffusion des quotidiens (PQN, PQR et presse sportive confondus) : plus 1,3% entre 1996 et 2005 (soit 4,196 millions d’exemplaires par jour) selon le Livre blanc publié par l’association en décembre 2006. A part l’Irlande (+39,3%), peu de pays européens peuvent revendiquer une progression de la diffusion. En moyenne, la diffusion en Europe a reculé de 12,1 % entre 1996 et 2005.

la diffusion de la presse dans l’Union européenne entre 1996 et 2005

Plusieurs éléments peuvent expliquer ce dynamisme. Tout d’abord l’existence d’une presse libre récente a imposé de nouvelles exigences. Après la fin de la dictature franquiste, les journaux ont dû se recréer une légitimité en se tournant vers une presse de qualité - El País, fondé en 1976 et principal quotidien payant progressiste, en est l’archétype. Pour certains spécialistes de la presse, le fait qu’il n’existe pas de presse sensationnaliste type The Sun en Angleterre, enlève une concurrence sérieuse aux quotidiens d’informations.

Pour autant, il n’existe pas de tradition de lecture des journaux en Espagne. L’essor de la presse traditionnelle revient essentiellement aux stratégies commerciales des principaux grands groupes multimédias : Prisa, propriétaire notamment d’El País, Vocento, détenteur du quotidien payant ABC, Unidad Editorial qui possède El Mundo et Grupo Planeta, propriétaire de La Razón. Lluis Bassets dans son interview pour 20minutes.fr le résume ainsi : « En Espagne, la presse s’est renouvelée, modernisée. Les journaux ont un design plus attractif et le fait que la distribution soit libre apporte plus de rentabilité. » En effet, l’Espagne a développé avec succès ce que l’on appelle les “plus produits”, c’est-à-dire l’offre de DVD ou livres pour fidéliser les lecteurs.
Invasion des gratuits

Face à un lectorat vieillissant, les patrons de presse ont créé à profusion des titres gratuits aux côtés de l’information payante nationale et régionale. Javier López Recio, de l’AEPG, précise que « parmi la presse gratuite européenne, la presse gratuite espagnole est celle qui a la plus grande variété de titres, de journaux spécialisés, d’éditions locales et d’informations générales. » Sí se puede ou Latino sont par exemple des quotidiens pour les immigrés, Marca est un quotidien gratuit sportif. Effet indéniable : El País qui affichait en 2005 deux millions de lecteurs a cessé d’être le premier quotidien d’information généraliste au profit de 20 Minutos (2,3 millions de lecteurs). Javier López Recio tempère : « des lecteurs habitués à lire des quotidiens gratuits ont commencé à acheter des journaux payants les week-end, surtout les éditions du dimanche. »

Chute brutale des recettes publicitaires


Selon Juan Luis Cebrían, directeur général du groupe de presse Prisa, les recettes publicitaires du quotidien El País auraient chuté de 20% en 2008 à cause de la crise. Selon les statistiques de l’AEDE pour 2009, la chute des recettes publicitaires est de 16,12 % par rapport à 2008, soit l’équivalent des revenus de 2004.

Même constat dans la presse gratuite dont la principale source de financement est la publicité. Au cours des 9 derniers mois, les recettes publicitaires ont baissé de 26% et 21% dans les quotidiens Metro et 20 Minutos. Javier López Recio explique : « Plus la concurrence est grande, plus le prix de la publicité diminue, ce qui se traduit par une baisse des recettes. Les plus touchés sont les derniers à se lancer sur le marché puisqu’ils n’ont pas eu de temps pour croître et commencer à engranger des bénéfices. » La situation du gratuit d’information générale ADN, créé en 2005 (20 Minutos, en 2000) illustre cette réalité.
Crise des gratuits

Javier López Recio l’affirme sans détour : « On peut parler de crise dans les grands quotidiens gratuits. » Un des signaux est l’annonce fin novembre de la fermeture de plusieurs éditions locales du journal ADN et d’un projet de fusion avec un autre gratuit local pour se maintenir dans le reste de la Galice.

Et les cas se multiplient. Qué ! a annoncé un plan de réduction de masse salariale de 40% de ses effectifs (106 salariés) et 4 éditions locales devraient disparaître. Le groupe Zeta, propriétaire de nombreux titres régionaux prévoit une réduction de 25% des employés. Le journal le plus touché serait El periódico de Cataluña. « Il y a eu dernièrement des réductions du nombre d’éditions locales et des effectifs dans tous les journaux gratuits. Pour l’instant, aucun journal gratuit n’a disparu, l’année 2009 sera décisive » précise Javier López Recio.
La presse gratuite s’organise

Le président de l’Association espagnole des éditeurs de publications périodiques (AEEPP) a créé la première Fédération Internationale pour la presse gratuite. Sa fonction est de « défendre les intérêts du secteur face aux institutions internationales et aux gouvernements, de promouvoir les bonnes pratiques au sein de la profession et d’échanger les expériences. » La fédération s’est créée le 30 septembre 2008 à Madrid, en marge du premier Congrès mondial de la presse gratuite en présence d’une vingtaine de professionnels nord-américains, argentins, espagnols, hollandais, Italiens et dominicains. En Espagne, face à la crise la profession s’organise elle-même.

Source : HautCourant.com

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