RadioSouvenirsFM

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mercredi 28 novembre 2007

Web_Bienvenue dans le World Life Web



Après le World "Wide" Web, après le World "Live" Web, voici venu le temps du World "Life" Web.

En 1994, suite aux travaux de Tim Berners Lee est officiellement né le World Wide Web. Une toile, mondiale, « large » dans sa dimension au moins autant que dans ses contenus. Avec le temps, ces derniers ont littéralement explosés, imposant à tous l’usage des moteurs de recherche pour mettre un semblant d’ordre dans ce chaos fertile et fécond, sur la base d’un principe de classement « par pertinence ». Le principal problème qu’eut à gérer le web dans sa phase initiale de déploiement fut celui de l’adressage des documents. Pour les trouver, pour les retrouver, il fallait que ceux-ci disposent d’une adresse physique sur le réseau. La réponse fut apportée grâce notamment au protocole « http » (hypertext transfer protocol) ainsi que via le système de nommage qui permet d’identifier et de classer les sites sur la base du nom de domaine qu’ils ont choisi. Ce processus d’adressage pose encore aujourd’hui quelques problèmes et doit notamment faire face à l’explosion constante des contenus, d’où l’apparition de nouvelles extensions (« .mobi » pour les sites dédiés à la téléphonie mobile, « .museum » pour les sites de musées, etc.) et la question ouverte d’élargir ce protocole à l’ensemble des langues de la planète. Ce fut là le premier âge documentaire du web.

Puis vint le World Live Web. Un web instantané, un web donnant en temps réel l’état des dernières informations publiées. Le service Google News fut à ce titre l’un des pionniers de ce deuxième âge documentaire, mais celui-ci permet également de désigner ce que l’on appelle des micro-contenus (billets de blogs par exemple). Le critère de pertinence utilisé par les moteurs reste naturellement essentiel, mais un second critère tout aussi important vient s’y ajouter, celui de la capacité à rendre compte en temps réel de l’évolution des documents publiés sur le web, et ce quelle que soit leur « granularité ». Là où les moteurs de recherche classiques n’indexaient que des « pages », le moteur de recherche de la blogosphère se mettent à indexer des « billets », comme autant de fragments documentaires sitôt publiés, sitôt indexés, sitôt accessibles.

Nous sommes depuis quelques temps, notamment avec l’essor extraordinaire des « réseaux sociaux » (Facebook, MySpace) et celui des mondes virtuels (Second Life), entrés dans un troisième âge documentaire : celui du World Life Web. Après l’adressage des documents, après leur niveau de granularité (de plus en plus fin), la principale question que pose ce nouvel âge est celle de la sociabilité et du caractère indexable, remixable de notre identité numérique et des traces qu’elle laisse sur le réseau. Dans ces mondes et ces réseaux virtuels, chacun peut donner les informations qu’il souhaite. Et ces informations peuvent indistinctement relever de notre sphère publique (notre métier par exemple), de notre sphère privée (nos relations, nos amis), enfin et surtout de notre sphère intime (nos préférences politiques, sexuelles ou religieuses).

De plus en plus de sites de réseaux sociaux « ouvrent » l’immense catalogue des individualités humaines qui les composent à l’indexation par les moteurs de recherche. Ce qui pose nécessairement la question de la pertinence des profils humains. Une question qui n’en est encore qu’à ses balbutiements, mais dont l’étendue des problèmes posés peut à juste titre faire frémir. Il est en effet établi que chacun des utilisateurs de ces systèmes, loin de disposer d’un profil unique librement consenti et ne contenant que des informations à caractère public (un peu à la manière de nos « cartes d’identités »), dispose de plusieurs profils différents, sur différents sites, dans différentes sphères (publiques, privées ou intimes). Que beaucoup d’utilisateurs "entrent" dans ces réseaux sociaux sous la forme de pseudonymats (pseudonymes masquant l’identité réelle) ou d’avatars, s’inventant ainsi des identités parfois ludiques, parfois recomposées, parfois mensongères, souvent idéalisées, toujours fragmentaires. La politique de confidentialité des sites récoltant ces informations, généralement de manière librement consentie, a déjà fait l’objet de nombreuses critiques, mobilisant institutions et associations sur le créneau de la défense d’un droit à l’oubli numérique. Or s’il est possible de sensibiliser les gens à la logique d’industrialisation de l’intime qui sous-tend ces univers, s’il est possible d’en appeler à leur vigilance et à leur responsabilité, il demeure impossible de contrôler ce que deviendra le remixage de l’ensemble de ces traces, une fois affiché, par exemple, dans un moteur de recherche.

La question qui se pose donc aujourd’hui est celle du caractère indexable de l’être humain. Celle de savoir si l’homme est, ou non, un document comme les autres. La question enfin, pour chacun d’entre nous, de se voir doté d’une identité numérique globale et non maîtrisée. Cette identité sera définie (elle l’est déjà pour une large part) via mes parcours sur le net, mes actes d’achat, les expressions (maîtrisées ou non) de mon affichage identitaire, ainsi que par le reflet de l’ensemble tel qu’il apparaîtra « remixé » dans les moteurs de recherche, les réseaux sociaux ou les mondes virtuels. L’urgence de cette question en appelle une autre : celle du pourquoi ? Les documents, les mots-clés ont acquis une dimension marchande. Ils se vendent et s’achètent sur la grande place de marché d’internet, que régule pour une large part le seul moteur Google. Nos traces identitaires numériques seront-elles demain également marchandisables ? Bienvenue dans le World Life Web.

Source : AgoraVox

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