RadioSouvenirsFM

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mercredi 16 décembre 2009

Média_Québec, Les Souverains anonymes : ici Radio Bordeaux





Depuis 20 ans, la prison de Bordeaux a une radio, les Souverains anonymes, qui sert de porte-voix pour diffuser hors de ses murs les musiques et paroles des détenus.

Prisonniers, ils ont chanté leur rédemption, décliné leur douleur, clamé leur volonté de retrouver la liberté, la justice et la paix. Depuis le 11 décembre 1991, 15 000 d'entre eux l'ont fait devant un microphone, exprimant ce qu'ils avaient dans les tripes pour goûter à la drogue de la dignité. Et vendredi dernier, ils ont invité Dany Laferrière, Andrée Lachapelle et la violoniste Sylvie Harvey à un «party en dedans».

«J'suis dans ma cellule... j'ai des ailes.... J'crève la bulle, la dope, la pilule...» Sur la scène du tout nouveau studio-théâtre des Souverains anonymes, Andrée Lachapelle a ouvert le bal avec ce poème écrit par Nicolas qui, dans les années 1990, a séjourné derrière les barreaux de Bordeaux. Souriant tendrement à Nicolas (qui visitait cette fois-ci la prison pour fêter les 20 ans de la première radio en milieu carcéral au Québec), la belle actrice avait droit aux regards médusés d'une horde de Souverains attroupés dans un coin.

Mohammed Lofti, fondateur, producteur et réalisateur de cette radio diffusée à Québec et à Montréal sur CKRL, CQUT et CINQ, a profité de cette fête pour rendre hommage à tous les artisans du projet. Ce grand manitou touche-à-tout, qui a consacré 20 ans de sa vie à faire de la radio avec ces «hommes de passage» (1), s'est félicité que son projet ait fait des petits jusque dans son Maroc natal.

«À Casablanca, a-t-il raconté, j'ai pu entrer avec mon équipement radiophonique dans une prison pour femmes et capter la parole de celles-ci. Les choses ont changé au Maroc, où il y a désormais du théâtre et de la musique en prison.»

Pour des temps moins durs

«Chaque fois qu'un jeune s'en sort, c'est la société qui s'en sort», a exprimé Charles, l'un des participants du Rap des hommes rapaillés, création audiovisuelle qui fait écho (entre autres) à l'album de 1997 Libre à vous (créé en collaboration avec Éric Lapointe, Richard Séguin, Pol Pelletier...).

Parmi les nombreux Souverains et complices qui sont montés sur scène, notons le passage de Charles, jeune artiste haïtien qui a donné son point de vue sur le problème des gangs de rue. Il a évoqué le besoin des jeunes d'être valorisés et de trouver une fraternité.

Dany Laferrière
est monté sur scène pour livrer un extrait de L'énigme du retour. De retour d'un séjour à Haïti, il a évoqué l'hiver qui l'a accueilli à son arrivée à Dorval («la glace et la chaleur existent en moi») et a parlé de son père, lui aussi chef d'un parti «souverain» pendant les années Papa Doc. Il a aussi évoqué la dignité des hommes qui, toujours, savent créer des «espaces humains» dans les lieux les plus inhospitaliers.

La jeune chanteuse Marion B a offert une pièce chaude et sensuelle. La violoniste de l'Orchestre Métropolitain de Montréal Sylvie Harvey a mis du sien. Tout comme les jeunes Wesley Louissaint, Cynthia Soudin et Joannie Labelle qui, pendant ces deux heures d'émission anniversaire, ont réchauffé le chaleureux salon qui sert de studio d'enregistrement aux Souverains Anonymes.

Nombreuses visites d'artistes

Au cours de ses 20 ans de radio, Souverains Anonymes a accueilli en prison plusieurs artistes.

Pendant que des chanteurs de la relève animaient la salle de rythmes aux teintes multiculturelles, des projections d'images d'archives nous ont rappelé que Jo Bocan, Breen Leboeuf, Marie-Josée Croze, Roy Dupuis, Marie-Claire Séguin, Céline Dion, Yvon Deschamps, Laurence Jalbert, Martine Saint-Clair, André-Philippe Gagnon, Térez Montcalm et combien d'autres ont visité la radio de Bordeaux.

«La haine des hommes, c'est la haine de soi», a lancé un des «souverains un jour, souverains toujours», qui a obtenu un pardon officiel, après avoir purgé sa «première et seule sentence». Andrée Lachapelle, quant à elle, leur a souhaité «du bonheur, et de la paix en vous et avec le monde».

La fête s'est terminée sur des notes entonnées par un grand sage à casquette, qui en est à son troisième passage «entre les murs». Celui-ci nous a entraînés à chanter avec lui «Je suis en voyage, dans un monde merveilleux».

Une conclusion pleine d'espoir à cette émission anniversaire, pour nous rappeler que lorsque les temps sont durs, il reste la parole pour échapper aux plus austères des cellules.

Source : CyberPresse
Par : Sylvie St-Jacques

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